jeudi 8 novembre 2018

plusieurs jours en un post ! 8 et 9 ! Une affaire !

Je m’étais plus ou moins promis avant de partir, que cette année je ne ferais pas de jours de ouf. Et pourtant, c’est bien ce qui allait se passer. Les filles m’annoncent que l’on se retrouve au temple 23 ce soir. Elles s'y rendent en train. En faisant un peu les calculs, je me retrouve avec une journée de 35 km au minimum, sûrement plus, avec un bon dénivelé pour commencer ! Qu’est que l’on ferait pas pour 3 jolies henros.

On commence par un petit déjeuner de héros, avec un retard de 2 min d’un japonais qui s’est immédiatement confondu en excuses. Soupe miso (algues/tofu), poisson frit, omelette riz. Quelques mandarines pour la route, et des onigiris pour le déjeuner (des boules de riz fourrées). Quand j’ai annoncé mon planning, ils m’ont donné un onigiri supplémentaire, en me disant que j’en aurais besoin. Et ils avaient raison. La dame a essayé de réserver le logement en temple pour nous 4, sans réponse. Elle m’a dit d’essayer plus tard.

Le premier temple donne le ton, il monte de 500m dans la montagne lui aussi. Et toujours cette sensation de paix indescriptible quand on arrive en haut. D’autant que l’ambiance de ce temple est assez prennante. Il se décompose en plusieurs niveaux, séparé par des escaliers. On passe de petits temples avec des peintures de dragons au plafond à de grands temples, au milieu d’arbres gigantesques. J’ai demandé pour le temple 23, personne ne répond au téléphone. Ils m’ont eux aussi dit d’essayer plus tard.

Je n’avais pas tellement le temps, mais je l’ai pris. J’emprunte la route ancienne pour redescendre de ce temple, car il passe par un endroit spécial. Après une petite montée entre les statues de divinités, on arrive à un petit temple. Et là, au sommet d’un rocher, un kukai assis en tailleur, en train de méditer. Et quand on se rapproche, on comprend pourquoi il a choisit cet endroit. La vue est tout simplement incroyable, avec les vallées, les sommets, la mer au loin, … Je me suis laissé allé à la méditation moi aussi, dans ce endroit mystique.  Et puis le chemin m’appelle. Je retrouverais certainement Kukai à un moment.



Sur la descente, tout euphorique, j’allais bon train quand je me suis stoppé instinctivement. À un mètre de moi, un serpent profitait lui aussi de cette matinée ensoleillée. Il ne fut pas long à s’en aller, et après avoir remercié mes reflexes de survie, je suis allé sur les chemins d’un pas plus lent. Et j’ai bien fait, car dans cette seule descente, pas moins de 3 serpents se doraient les écailles!!!
Le temple 22 arborait toujours fièrement les couleurs sacrées, qui étincellaient au soleil. En entrant, je me suis rendu compte de la présence de quelques lycéeens, intrigués par ce henro barbu. Le professeur attendait dans un coin du temple, l’arrivée d’autres groupes, qui ne manquaient pas de saluer le sensei bien bas quand ils arrivaient. Une sorte de jeu de piste, de ce que j’en ai vu. Alors que je récitais le sutra du coeur, j’ai pris conscience de la présence de nombreuses personnes sur des tables, en train de prendre un repas bien mérité. Ce sont les personnes qui jardinnent, élaguent, remettent des couleurs, les volontaires qui font que ces endroits sont aussi beaux, qui prennaient des forces avant de rattaquer le boulot. Avant de partir, un car de touristes rentrait dans le parking. Décidement bien chargé comme petit temple.

La marche qui s’en est suivie était plutôt intense, et pas très intéressante pour tout dire. Par exemple, sur un tronçon de 4 km, je n’ai pas croisé une voiture ! J’avais donné une dernière chance au temple 23 de nous recevoir les filles et moi. L’appel s’est plutôt mal passé, et s’est conclu sur un refus pour cause de trop plein. J’ai alors contacté une guest house recommandée par ahohi. Et plus rien n’était compliqué. On pouvait arriver à l’heure que l’on voulait, avec ou sans les filles, (3 filles pour vous, chanceux m’a t’elle dit dans un français parfait au téléphone) Oui parce c’est un couple franco japonais qui tient l’endroit. Je n’ai pas trop profité de la plage, j’ai filé pour faire ma calligraphie à temps. Je sais que la côte ne me quittera pas avant le temple 38, j’aurais le temps d’en profiter. Le temple 23 se dessinait au loin, un grand temple, tout étagé. Après mes prières, je suis allé au stupa en hauteur, d’abord pour le petit parcours dans le noir avec les prières en haut parleur, les calligraphies et les tableaux, puis pour la vue sur le port.

Après avoir fait le tour de la ville pour chercher les filles, je me suis rendu au Guest House pour poser le sac et établir un QG de recherche. Sur le chemin, j'entends les taules autour de moi faire pas mal de bruit. Je me dis que le vent doit être fort, mais je m'affole pas plus que ça. En passant par la porte de mon hébergement, j’aperçois les filles, qui avaient sélectionné le même endroit sans savoir que j’avais réservé une heure avant leur arrivée. On m'annonce aussi qu'il y a eu un tremblement de terre (c'était donc ça le bruit !) Le propriétaire nous explique comment faire en cas de secousses, rester dans la maison si on est à l'étage (les maisons sont conçues pour que le premier étage reste droit alors que le rez de chaussé se couche) de sortir si on est en bas, et de courir vers les montagnes ou les tours anti tsunami si le tremblement dure longtemps. En espérant que je ne m'en serve jamais !
Le guest house est une perle. Un endroit splendide, ancien, rénové avec soin.
J’étais très heureux de retrouver les filles, de les voir s’extasier devant les yukata (sortes de peignoirs que l’on donne dans les hébergements pour se sentir à l’aise) ou de raconter leurs aventures, mais le sommeil était là. Je me suis effondré sans trop de délai dans mon futon.

Jour 9



Les filles ont décidé de me suivre ce jour. Enfin pas toutes ! Lili, l'australienne, en avait assez vu, son pays lui manquait, il était temps pour elle de rejoindre son île. Après quelques calins, et un petit déjeuner copieux, on prend la route pour la côte!
Cette route m'avait déjà fait grande impression il y a deux ans, et ça se confirme. Les filles aussi aiment l'endroit. Les petites criques, le contraste entre le bleu de l'océan et le vert émeraude de la forêt tropicale, l'absence quasi total de trafic malgré ce samedi ensoleillé. Tout les ingrédients étaient là pour que l'on apprécie ce moment. Tout ?


Malheureusement non. Les filles subissaient la marche sur le bitume. Eponine se plaint du pied, une cheville qui en a bavé et d'autre tracas, et Morgane le tendon qui chauffe et qui enfle. Je m'en veux presque de me sentir bien. Je ne vous dirais pas que le pèlerinage ne m'affecte pas (j'ai même réussi à perdre 2 kg, alors que je mange comme 4) mais mis à part les pieds qui tirent en milieu d'après midi, tout va bien.



On prend une grosse pause proche d'un sanctuaire shinto, histoire de recharger les batteries et l'estomac, et on se remet en route. Saba Daishi, notre arrivée, n'est plus très loin. Je sentais déjà l’excitation monter en moi. La dernière fois, j'avais eu droit à une belle cérémonie, celle du feu (vous vous souvenez ?) et on m'a demandé d'y être avant 17h, pour prendre le repas. Il se trouve que si on mange aussi tôt, c'est pour que l'on puisse faire la cérémonie pas trop tard! Alors j’étais plein d'espoir.


J'ai arrangé l'hébergement gratuit pour les filles, qui ne pouvaient pas aller plus loin dans leur état et j'ai suivis un petit homme sympathique. J'ai nettoyé le bâton religieusement, puis l'on m'a montré ma chambre. Je connais un peu les kanji maintenant, et ma chambre, c'est Kannon. Une divinité bouddhiste qui prend le nom de Kannon au Japon, mais elle a bien d'autres nom (c'est même un homme en Inde pour vous dire) Kanjisai, une de ses formes, bodhisattva (Dieu) de la vraie liberté, celui que l’on invoque au début de l’Hannya Shingyo (le sutra du coeur que l'on récite à tous les temples). Parce qu’il comprend, par l’observation de zazen (exercice de vide intérieur), que toutes les perceptions et tous les phénomènes sont sans substance, ku, vacuité, il demeure tranquille et sans crainte, mushotokou, sans ego. Parce qu’il n’est pas mené par les phénomènes, il incarne la vraie liberté. Parce qu’il réalise que toutes les souffrances sont ku, il aide, résout et coupe, par cette compréhension, la racine de toutes les souffrances. Cet aspect du Dieu est préféré pour les Ohenros étrangers, qui, ne parlant pas bien japonais, observent, en silence, et réalisent eux aussi la vacuité de nombreuses choses.
Le drame, c'est que l'on m'a annoncé le repas à 18h. Étant tout seul, je me suis dis que je n'aurais pas l'opportunité de voir la cérémonie une nouvelle fois. Mais je me trompais ! C'était pour attendre des japonais qui arrivaient en retard. Et pour tout vous dire, à Saba Daishi, je savais que ça déconnait pas tant que ça. Je me suis rendu dans la salle de repas 15 minutes avant l'heure prévue. Le prêtre principal (oui, le même que la dernière fois !!!) m'attendait.
Son allure à toujours déclenché en moi une sensation étrange, comme si je pouvais devenir son élève à tout moment. Après quelques échanges, et des sourires, on a attendu les japonais qui étaient en RETARD !!! Mon Kukai, les excuses qu'ils ont proférés en entrant dans la pièce, c'était impressionnant. On a récité le sutra du coeur avec le prêtre (les jap le connaissaient moins que moi ^^) puis on a eu le droit de manger.
Le repas de fou avec sashimi à l’oignon, tempura d’oignon, d’aubergine de patate douce, de kaki, d’aubergine et de poivron, l’omelette aux champi, les deux soupes (algues/miso) les légumes frais, les haricots, le tofu congelé et séché (Koya Dofu) les pommes, … Mon premier vrai, vrai moment gastronomie !
Et puis, je suis retourné dans ma chambre, revêtir ma chasuble blanche, mon écharpe, mon chapelet, de l'encens, une bougie, un briquet. Et je me suis rendu au départ de l'initiation. On marche sur les empreintes de Bouddha pour aligner les Chakras des pieds (et ils en ont besoin !), on marche sur les fleurs de lotus en céramique pour ... je dirais si j'étais vulgaire pour défoncer la plante des pieds (parce qu'on est en chaussettes évidement) mais je suis certain qu'il y a une explication rationnelle sinon ésotérique à cela. Pour faire passer la douleur, on a le droit à des belles photos de henros en groupe qui marchent devant des couchers de soleil (et tout henro à dû se dire, coucher de soleil + toujours pas installé = c'est pas bon pour eux !), puis l'on descend dans ce fameux couloir, avec 88 fleurs en relief à supporter pour figurer un petit pèlerinage pour les gens qui ne pèlerinnent pas (et pour rappeler aux henros que c'est pas encore terminé)
Et enfin, La grande pièce, tout comme dans mon souvenir, les statues de Fudo Myõ dorées partout, les petites bougies qui éclairent à peine la pièce, l’énorme bol accroché au plafond... Tout était là. Les chants, gutturaux, calmes, puis le feu, les offrandes d'encens, de fleurs et d'huiles, la fumée, l'odeur, le tambour d'abord lent, puis brutal, les chants à présent hurlés, le feu qui prend des dimension infernales, et puis le calme qui revient, progressivement. Nos chapelets bénis par la fumée, notre être bénis par un énorme bâton plein de cercles en fer.
On ne revient pas pareil de cette grotte. Le plus incroyant aura senti quelque chose. Une force, une chaleur, une renaissance peut être. Les filles ont entendu le tambour de dehors. Pourrais-je leur expliquer ce que j'ai vécu... Pourrez vous le saisir, de tout là bas ?

2 commentaires:

  1. Bonjour Beau Frère,
    Comme la dernière fois c'est toujours aussi beau de voir tes photos, toujours aussi beau de te lire.
    A chaque paragraphe tu donnes envie de te rejoindre, bien que dans la lecture on à l'impression d'y être.
    A ton premier pèlerinage je voulais t'envoyer une musique pour t'aider à avancer dans tes moments durs.
    Après avoir lu le "jour 7, la discorde", je me dis que c'est le moment de te la partager.
    Alors j'espère que si tu en as besoin elle t'aidera ( si tu arrives à la lire) : https://www.youtube.com/watch?v=Pw-0pbY9JeU
    Bonne continuation !!!!!!!!!!!

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    1. J'ai pris stressed out dans ma discographie justement en pensant à toi ! ^^

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