mercredi 28 novembre 2018

jusqu'au ciel and back

jour 25 quelques gouttes


Comment dire, une grande ville sous la pluie, c’est pas ma tasse de thé vert. Mais il y a pire.
À peine 30 minutes après mon départ, c’est une zone industrielle coincée entre une forêt cachée
derrière des grosses grilles et des lotissements, sur une route qui circule pas mal et qui monte,
sous la pluie ! VOILÀ ! Pas super en forme donc, mais j’avais des pétales de maïs délicatement
sucrées à manger, pour réveiller le tigre qui était en moi. Et le matou il en avait bien besoin.

Je devais tellement faire de la peine sous mon goretex qu’une dame m’a proprosé de m’emmener
jusqu’au prochaine temple en voiture. J’ai refusé gentillement, car l’engrenage ne serait pas facile à
stopper une fois lancée (et hop un bus, un train, un autostop et on arrive au temple 88 dans 4 jours !).
Le temple 41 est parfait, car il s’éloigne de la grande route, pour se percher au sommet d’un petit
village. J’y croise pépé, occupé à capter l’ambiance des lieux. On prie ensemble, puis j’explore à
mon tour, en particulier le temple shinto au sommet des escaliers (on y prend goût aux escaliers à
un moment) et j’y fait une drôle de découverte : ça sent le sake ! À plein nez !

Je demande à pepe, qui m’avoue n’avoir rien senti puisqu’il a le nez prit. Et je ne serais pas loin non
plus. Sans le soleil, l’humidité rend la sensation de froid plus forte encore. La double peine, qui
n’épargne aucune culture, car vous pouvez savoir quel japonais se trouve où aux reniflements.
Moi qui marche, je suppose que le corps se protège un peu mieux, et se réchauffe surtout ! On
discute rapidement avec notre ami. Puis on se donne rendez vous dans l’autre temple, le 42, à
4 kilomètres de là. Je passe par le petit chemin de montagne, ce que ne peux pas faire mon
compagnon car il a dû investir dans un vélo de compétition (il transporte beaucoup, beaucoup de
choses et s’achète des pierres à encre pour la calligraphie de 1 ou 2 kg sur le chemin ^^). La fin de
la route se fait le long des cosmos, qui ont manifestement terminés leur saison. Je retrouve notre
ami dans un temple très beau, aux couleurs éclatantes, dédiés aux animaux perdus. J’en profite
pour penser à tout ceux que j’ai connu et à me rappeler des bons moments passés ensembles,
puis je retrouve pépé qui avait demandé au bureau des calligraphies l’histoires des 7 personnages
en statues que l’on voit souvent. Ni une ni deux, le monsieur prend le téléphone et nous dit d’attendre
notre guide personnel ! Un jeune moine nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur ces dieux, dont 2
seulement sont japonais, les autres indiens et chinois, et qui protègent, dans l’ordre des photos, les
pécheurs, les fermiers, les artistes, les guerriers (dans tous les sens du terme), les sages, les vieux
et les richesses. Nous voilà au courant de la vie de ses personnages qui nous sourient tout le temps.
Un petit selfie, et des adieux.



Pas pour longtemps. Le chemin de montagne étant endommagé par les typhons, on doit passer par
la route 31. Mais elle est interdite aux voitures ! C’est plus plaisant de marcher sur une route sans
VRRROUUUMM et sans gaz d’échappement. Pépé doit pousser son vélo, donc on est à la même
vitesse. Une pause casse croute pour lui, drône pour moi, et nous voici sûrement à notre dernier
moment. Un tunnel, quelques centaines de mètres, plongé dans le noir. Il enfourche son fidèle destrier,
et je lui dis que l’on ne peut que chanter en passant ce tunnel. Il entonne un air espagnol. Je le suis avec
un air connu des geeks. Je ne sais pas si j’ai des larmes à cause de la rupture, ou du vent froid qui
s’engouffre dans ce tunnel, mais ce fut une belle rencontre. Je lui ai fait part d’Ichi go, Ichi é. Ca avait
l’air de bien lui plaire. Ce fut bien un jour, un jour seulement ! So long partner, et bon voyage.



J’arrive au temple 43, 100 % sans suisse, non pas sans ma pause Udon de 14h (c’est tard pour
manger me disait mon estomac), qui est fantastique du point de vue des couleurs une nouvelle fois.
Je profite du cadre pour appeler mon temple prochain, pour réserver un Shukubo. Je suis un peu
plus confiant maintenant, sauf quand j’entends une longue respiration, ce qui veut dire qu’il y a un
problème. Et ce problème, c’était au moment des repas. Je me souvenais qu’il n’y avait pas de repas,
mais c’était pour être sûr. Et il me dit qu’il y a des Udons jusqu’à 15h. Il me demande d’où je partirais,
je lui donne dit Meissikiji le temple 43, il me dit que ça fait un peu loin, que ça va être dur, … Je lui dit
que je serais là haut avant 15h. Il parait étonné, je lui rappelle que sinon, je n’aurais pas droit aux
Udons ! Il me souhaite bon voyage quand même. La marche qui suit, au milieu des arbres d’abord,
puis des vieilles ruelles historiques d’Uwa, est très très sympathique. Puis de nouveau la route 56 …
J’avais séléctionné une hutte, où j’ai vu ma photo accrochée ! Je commence à être célébre !






J’avais prévu d’y rester pour la nuit, mais sur les 4 murs, un seul manquait. Devinez d’où venait le
vent ? J’ai donc appelé papi à la rescousse, qui est arrivé avec un kaki coupé pour entamer les
négociations, puis il m’a proposé directement d’aller dans sa petite pièce fermée qu’il laisse aux
pèlerins par grand froid. J’ai beau protester pour aller acheter des udons, il me fait m’asseoir et
m’apporte une salade avec du poulet, et du riz, et une bière pour faire passer le tout. Il revient à la
charge plus tard, avec du saké aromatisé au citron. Je ne me fais pas avoir ce coup ci, je prends
un seul verre que je sirote et refuse poliement le deuxième. Pour passer le temps, je discute un peu
sur les photos que je vois, sur son corgi qui mange des bonbons et des melons pan, qui doit avoir
l’indice de masse corporelle de Depardieu, et sur les news puisqu’il a branché la télé. Il me dit qu’il y
a quelques jours, un américain a pris une caisse chez lui. Le pauvre, j’ai connu ce moment où je ne
savais plus comment refuser les bières et les saké qu’il me mettait. J’aurais dû laisser un mot dans
la hutte, genre appeler le monsieur si vous voulez dormir au chaud et vous réveiller avec la gueule de
bois. Mais enfin, sans lui, j’aurais certainement eu froid, donc un grand merci à ce monsieur !






jour 26 le temple du bout du ciel




Je me suis réveillé juste avant que l’on m’apporte mon petit déjeuner, puisqu’il n’était pas question que
je mange en superette. Puis j’attaque un gros jour, avec 27 km pour 800 m de dénivelé positif.
Certainement, un jour comme ça devait commencer par une route … 56 ! De nombreux chemins
permettent de s’en échapper cependant, et on capte des petites scènes sympathiques, comme papi
qui fait sa gym du matin, des écoliers avec les casquettes jaunes en file indienne, et des policiers qui
arrivent avec les girophares, qui prennent le micro (je me voyais déjà au poste) et qui disent :
BONJOUR ! Ah ben non, on est au Japon ! La route prend la direction d’une petite montagne
très sympa elle aussi, qui monte sec et qui redescend tranquillement, et qui revient …
SUR LA ROUTE 56 !!!



3 km qui paraissent une eternité. Et enfin, un tunnel, et je m’échappe pour la
montagne. Le temple du bout du ciel, je ne sais pas si vous vous souvenez. Sur la montée, je ne
croise pas grand monde mais tous me souhaitent du courage ! Et il en faut ! Mais cette montée est
pour moi un terrain de jeu. Des belles vues, des ballades en forêt entrecoupées de petites routes de
montagne, avec des villages étagés en pierre seche, entre les kakis et les chataignes. Une impression
de se trouver dans nos montagnes, mais avec des maisons japonaises ! Pour vous donner une idée
de la motivation et de son impact, j’arrive en haut à 14h, avec un départ à 7h15. Autant dire que ça a
marché !




Je vous laisse l’ambiance de l’arrivée au temple du bout du ciel, et je vous emmène avec moi toucher
les nuages un moment.


Ce temple est beau, c’est un fait. Les udons sont bons, là aussi, passons. Mais l’intérieur du logement,
l’ambiance old school, le parquet sans age, les sculptures et les tableaux ça et là, le froid mordant…
Le jeune moine qui me fait la visite se souvenait de moi. Il me remontre alors qu’il galère toujours pour
trouver de comment marche les choses comme le réchaud pour la chambre, ou pour comprendre
pourquoi il y a une théière sur le feu alors que j’en ai 2l dans un thermos. Mais il sait comment
fonctionne la machine à laver cette fois ci ! J’ai le droit de visiter les nouvelles parties, construites il y a
deux ans alors que j’étais ici, lors d’une tempête de fin du monde. Il fera beau cette fois ci,
pour mon plus grand bonheur. Je n’ai pas vu le temps passer dans ma chambre, mais le froid mordant
m’a appelé dans les draps, alors je vais me coucher assez tôt. Demain, office du matin !


















jour 27 La mer de nuages


Le réveil sonne, je sors de mes draps, et j’enfile tout ce que je trouve, comme vêtement (je précise).
Je sais que l’office se fait dans les temples non chauffés, à 800m d’altitude. C’est en polaire et bonnet
que je me rend au point de rencontre, à 5h45. Mais voilà, le moine japonais est en retard ! Je l’entends
courir dans les couloirs avec les sandales, et il arrive (à 6h02, en retard pour un japonais hein) avec
les offrandes aux divinités sur un plateau.
On commence par un goma dans le temple tout refait à neuf, puis on monte dans le temple principal
pour une petite prière, puis on finit chez daishi pour l’apéro. Pour L’Hannya Shinjo pardon. Après cette
belle cérémonie multiple pour moi tout seul, le moine ouvre un pan de mur pour me montrer dehors.
Le soleil s’est levé sur une mer de nuage… Je ne sais pas comment le dire en japonais alors je reste
assez contenu, mais P***** QUE C’EST BEAU !
















Avant même le petit déj, je sors prendre des photos et un shoot en drone, puis je rentre manger parce
que j’ai faim ! Et froid ! Il est 8h quand je me dis qu’il est possible de marcher sans perdre un petit
doigt. Je règle l’addition, 3500 yens, je vous laisse convertir avec les taux de change actuels mais
c’est pas cher. Je leur dis que j’aimerais rester une semaine, ils me donnent un tissu joli, puis vient
le départ. Adieu, temple du bout du ciel. A la prochaine fois !
La descente dans les arbres est sympathique, on reste au dessus des nuages, il fait froid mais la
marche et la descente en altitude me réchauffent au fur et à mesure. Bien sûr, qui dit mer de nuage
dit dans les nuages à un moment donné. Comme quand on descend de St Roch pour aller vers St
laurent du Pont. On voit la mer de nuage et c’est beau, et puis on descend… Désolé les laurentinois !






Mais la lumière reste très belle. Je ne leur en veux même pas de ne pas respecter la météo
(pas un nuage ils disaient) parce que j’en prends plein les yeux ! Mais le contact avec la terre est dur.
Très dur. Temple supplémentaire 8, en plein milieu d’une zone commerciale énorme…
Et le long de la 56 ! Je n’ai jamais expédié un temple aussi vite. C’était trop brutal comme changement.
Je relance la machine très vite parce qu’en partant tard, je m’étais mis en danger. Je devais trouver
mon hébergement gratuit 21 km plus loin… Et donc finir ma journée de 37 km ! Je devais faire tout
ça avant que le soleil ne s’en aille, et il tombe vite l’artiste, 17h30 en ce moment. Et 17h35 c’est nuit !
Alors en avant !!!







Un petit sentier me fait le plus grand bien, sortir de cette forêt de panneaux publicitaires, de moteurs
qui vrombissent aux feux rouges, pour passer aux érables rouges, aux canards et aux cignes qui se
montrent un peu entreprennants.









La ville suivant a un très beau cachet, j’en avais profité la dernière fois mais je n’avais pas trop le temps
ce coup ci. Bâtiments anciens restaurés, petites rues typiques, magasins d’arts, … Tout pour remonter
le moral d’un henro blessé moralement par le monde moderne.




Et puis, il faut bien que ça s’arrête un jour alors on retourne sur notre route préférée pour les  13
derniers km, entre les montagnes, pas loin d’une rivière, mais avec camions ! C’est à 17h pile que
je retrouve ce daishido laissé aux pèlerins par un couple qui habite en face. Fermé, avec statues et
artefacts, lumière et eau potable. Que demander de plus. C’est au pied de Kobo Daishi que je
m’endors ce soir. La tête pas tout à fait par terre. Encore un peu là haut, près du ciel…