lundi 14 novembre 2016

jour 27, le temple du bout du ciel


jour 27


Euh, il est perdu là où bien ?! Je vous entend d’ici. Non, je suis pas perdu, je ne dors plus dans les hôtels c’est pas pareil. Et même quand je dors dans un hôtel et ben il n'a pas internet donc pas de chance. Le prochain n’étant pas prévu pour bientôt, je prépare à l’avance mes excuses pour cette attente interminable. Alors que le monde devient fou, que Trump fanfaronne, que le bruit des bottes attend de revenir en Europe, que tout le monde se fout des abeilles en voie d’extinction, je m’étais promis de vous offrir une parenthèse hors du temps et de l’espace. Seulement voilà, la transmission de pensée n’étant pas encore au point, il me faut l’aide d’internet. La licorne est en RTT.

Je me suis réveillé assez tôt, pour éviter la pluie qui était annoncée aujourd’hui. J’aime bien marcher quand le monde se réveille. Le paysage devient mystérieux, on devine les montagnes, les vallées au loin, puis tout devient clair … devant moi. Parce que derrière moi, c’est certain, les nuages sont en train de déverser une bonne quantité d’eau sur la ville, et le vent pousse tout ça dans ma direction. Un bref arrêt au stand pour le ravitaillement des jours à venir, et on avance, d’un pas assuré. La course contre la pluie engagée ne pouvait pas avoir d’issue favorable pour moi, le combat est trop inégal mais je peux retarder l’échéance. Après deux heures de lutte, je m’incline enfin, et reçois l’averse attendue. Je me dirige donc vers une route à tunnel, chose que je déteste en temps normal mais bon, un peu de sec n’est pas sans me déplaire. Juste avant d’entrer, alors que je rassemblais mon courage, et me demandais quelle chanson j’allais bien pouvoir chanter, un homme m’appelle.

J’ai l’habitude maintenant, je fais le sourire du Bouddha et j’avance vers lui. Il me demande si je connais les tsuyados du coin. Je lui dis que j’en connais certains, mais que je ne sais pas exactement où ils sont. Il prend alors ma carte, un marqueur rouge et il m’en montre beaucoup, les officiels, les secrets, les bons, moins bons, … Enfin bref, il me facilite le voyage quoi. Puis il me dit que le tunnel que je m’apprête à prendre est très dangereux. Il est pourtant marqué comme voie secondaire, mais je lui fais confiance et je demande une autre voie (j’ai pas envie de rebrousser chemin vers l’œil du cyclone, mais si c’est nécessaire…) C’est ainsi qu’il me propose de m’emmener en voiture. Pour vous faire apprécier ce monsieur, il prend du temps sur son boulot pour trimballer un gars qu’il ne connait pas dans sa voiture, alors que le-dit bonhomme est trempé et qu’il a un sac de 15 kilos. Plus encore, il me demande si je veux aller chez lui me laver ou prendre un thé. Je le remercie mais il faut que j’arrive en haut de la montagne avant que le déluge n’y arrive. On se sépare à la sortie du tunnel. Je ne connais pas le nom de ce nouvel ange gardien, mais je le remercie du fond du cœur. J’ai plein d’endroit où dormir et j’ai évité un tunnel sans trottoirs, celui que l’on n’aime pas en effet.

Je quitte le chemin principal pour me diriger vers le bangai 7, temple assez éloigné de tout, comme annoncé, et placé au sommet d’une montagne de presque 800 mètres. J’attaque l’ascension avec la pluie, mais les gouttes n’ont pas encore traversé la couverture végétale et je peux monter sans trop de difficulté. Heureusement d’ailleurs, parce que comme tous les temples non officiels, les chemins sont moins bien indiqués, et moins bien entretenus. Le plus dur étant d’éviter les crabes de forêt qui sont contents comme tout dans l’humus humide, et que laisseraient leurs places pour rien au monde.

Je me débrouille pas mal, mon corps demande une pause mais hélas, aucune hutte à l’horizon, aucun banc, aucune pierre plate, rien ! C’est l’une de mes premières fois où je dois réellement puiser dans les ressources pour avancer, et garder une bonne allure.


Une faute de parcours à signaler arrivé au sommet, ou presque. Je me fais rattraper par un vieux édenté qui me parle très vite en japonais, et je comprend rien. Je lui dis merci, avance, il me prend par le bras et me dit d’attendre. Il revient avec une carte super détaillée pour me montrer où je dois aller, puis m’indique le bon chemin. Et avec cette carte, je ne me suis pas perdu.
J’ai même eu le plaisir d’apercevoir quelques rayons de soleil alors que l’astre tentait de déchirer les nuages, aidé par le vent. Je compris pourquoi arrivé au temple (après une petite centaine de marche, toujours, pour la forme). La vue est tout simplement extraordinaire. Alors que les nuages étaient bas toute la journée, ils se sont levés pour me laisser voir une partie de la beauté de la création, puis le vent à ramené les gros nuages et la pluie est revenue. Je leur suis reconnaissant de ce petit moment de bonheur. Le temple est en travaux, et on comprend assez bien pourquoi. Il est vieux, ça saute aux yeux. Je vais pouvoir passer une bonne nuit là dedans. Enfin, la fraicheur. Enfin, pas de voitures. Enfin, la paix.

Le prêtre m’a montré les pièces en travaux. Je le cherchais pour prendre une douche et laver mes vêtements, de même que pour avoir des nouvelles de mon ami Kondo qui devait me rejoindre, et il m’a fait faire le tour du propriétaire. Enfin, l’intérieur parce que c’est une vraie tempête à l’extérieur. Le vent pousse les panneaux, qui claquent régulièrement, et le froid s’engouffre partout. Tout le monde vit dans une pièce avec un petit réchaud au gaz. Le temple pourrait héberger plusieurs dizaines de personnes, mais la vétusté des lieux faisaient des mécontents.

Situé en altitude, le froid est mordant, et il n’y a aucun onsen naturel pour se réchauffer, juste une douche. Le vieilles salles sont assez impressionnantes. La décoration chez les japonais, c’est quitte ou double. Soit l’on éparpille des  figurines des tableaux des photos des autographes des peluches partout où il y a de la place, soit on place une calligraphie dans un cadre, et c’est tout. Et bien là, une grande salle vide. Le parquet usé, les poutres centenaires, les tatamis non remplacés en attendant la fin des travaux. Et l’odeur qui était toujours là. Le bois, l’encens. Le tout dans la pénombre, puisque l’électricité n’est pas rétablie de partout. 1300 ans l’année prochaine, c’est vous dire si l’histoire est ancienne. Cela me laisse une impression étrange à vrai dire, comme si j’étais un visiteur dans un village de haute montagne pour la nuit, et que je découvrais l’authentique, le rustique, la simplicité. Un beau moment.

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