dimanche 9 décembre 2018

jour 36 37 38, de la pluie, et de la tempête

jour36 temps de cochon
Je ne voulais pas me lever aujourd’hui. Tout simplement parce que mon portable m’annonçait un orage grandiose. Mais  surprise, alors que le réveil sonne et que j’écarte les rideaux : grand ciel bleu ! Avec une énergie nouvelle, et un café (deux en fait) je pose mon sac sur les épaules et je m’envole pour un jour qui restera gravé dans les annales : Hachikuraji et Uppenji dans la même journée ! Autrement dit, du dénivelé en masse et du kilomètre à faire frémir Rocky ! Mais avec le soleil, tout est possible !




Je m’arrête au temple 14, où j’expose mon plan, et où je reçois un thé, des gateaux et la calligraphie en ossetai. Trop de cadeaux, c’est suspect.
Une vision d’apocalypse survient 500m après ce temple. Un vent puissant souffle et me pousse littéralement sur le côté. Derrière moi, un énorme nuage noir sort des crêtes et recouvre tout en l’espace de 10 minutes. Je n’avais jamais rien vu de tel auparavant
. Les feuilles qui remontent en tourbillon, la température qui chute, … Un beau jour ruiné si vous voulez mon avis. Et la première partie ne fait pas bien rigoler. Je dois longer une grande route avec un brouillard à couper au couteau… Une bonne heure après, je trouve une poste pour retirer de l’argent. On me donne un café au lait comme ossetai (la poste au Japon c’est autre chose) Et PAF !


le soleil perce les nuages et revoilà le ciel bleu. A ne rien y comprendre. J’avance donc vers ma première difficulté, et je m’arrange avec le téléphérique pour faire passer mon sac en cabine alors que je monte les escaliers les plus longs du monde. Pas loin de 500 m de haut en 2 km. Les cuisses chauffent, mais tiennent le coup. Bien évidemment, si vous voulez prier correctement, il faudra vous manger quelques dizaines de marches supplémentaires ! Je demande ma route, tamponne le livre et m’engage vers ma prochaine destination, 16km plus loin, et récupérant malheureusement mon sac au passage. Et de là où je suis, je vois bien que les gros nuages arrivent, et qu’ils n’augurent rien de bon pour moi. Mais il y avait plus dangereux. La petite route en lacet retrouve une route bien plus grande et plus fréquentée, que je dois emprunter sur 2 km sans trottoirs, et avec parfois l’obligation de marcher sur la route … J’ai cru mon heure arrivée plus d’une fois, alors que deux camions devaient se croiser en me laissant une petite place. J’ai passé le message sur les forums pour dissuader les gens de prendre cet itinéraire, ou alors de se faire prendre en stop. Parce que ça craint.



La route suivante  est beaucoup plus tranquille. On longe une rivière, en serpentant entre les montagnes, avec une pente régulière bien sympathique. L’objectif étant de monter à 900 m, pour dormir en haut de la montagne dans une petite hutte fermée. Mais ma crainte se réalise, je suis pris dans une grosse averse. Puis de nouveau le ciel bleu. Puis une nouvelle averse. Et à mesure que je monte vers les crêtes, je comprends pourquoi ce changement brutal. Le vent souffle fort, le froid se fait mordant. Mais pour tout vous avouer, je chauffe de l’intérieur. J’étais décidé à arriver assez tôt là haut, pour y voir le soleil se coucher avec de la chance. Et après une dernière volée de marches, enfin, le temple. Tout perché, tout mignon. Mais horreur, alors que je prends un virage et que m’attends à y trouver le tsuyado, rien ! Des graviers, et un vide alarmant. Ils ont fait des travaux. Il est 16h30, je suis en haut d’une montagne, et je n’ai nul part où dormir… Je prie tout de même Kobo Daishi, et je me rends aux calligraphies, où je demande d’une voix timide : Tsuyado arimas’ ka ? Et OUI ! Ils ont placé le nouveau Tsuyado derrière les toilettes ! Mais on me fait comprendre que je devrais le partager. Qu’importe !


La porte s’ouvre, et une jeune catalane aux yeux bleus m’ouvre. Qui aurait pu rêver mieux ?
Je converse rapidement, et je m’en vais pour capturer un coucher de soleil mes petits… Une demi heure en plein vent à contempler le ciel se teindre en orange, puis rouge, … Un japonais me rejoint vers la fin, il observait d’un peu plus loin la même scène grandiose. C’est plus sympa de partager. Puis, vers la fin, je dis : C’est beau hein? Il me répond oui. Et j’ajoute : Mais il fait vraiment froid ! Et il me dit oui en rigolant ^^ Alors on se sépare, lui pour le téléphérique et la plaine. Moi pour mon tsuyado et mon espagnole.




Alors que j’avais prévu de comprendre pourquoi mon drône refusait d’enregistrer alors qu’il me reste de la place sur mon téléphone, de ranger un peu les photos et d’aller me coucher tôt, on a discuté jusqu’à pas d’heure. Elle est venue ici pour réaliser un rêve tout d’abord. Le japon, elle l’a espéré depuis sa petite enfance, apprenant le japonais dans les mangas, le karaté dans un dojo, … Mais elle aussi venue se tester. Elle a posé portefeuille et portable au temple 1, et elle voyage en tente, voulant se prouver à quel point elle était forte. Et heureusement pour elle, elle est au Japon. Plus on se met en danger, plus les japonais volent à votre secours. Elle s’est fait offrir deux paires de chaussures, des chaussettes et des gants, des maisons se sont ouvertes, des repas furent offerts. Au final, elle aura été pris en charge plus qu’un pélerin ordinaire. Et que dire de moi ? J’avais entamé le premier tour en quête spirituelle solitaire. Elle s’est transformée en aventure physique partagée avec de nombreuses personnes. J’avais entamé ce tour pour continuer le précedent, en le partageant avec d’autre. Et ça s’est transformé en quête spirituelle solitaire. Peut être que l’île sait ce que l’on veut au fond de nous, avant même que l’on en ait conscience. Peut être que c’est ça, être Bouddha. Faire vibrer notre humanité et ÊTRE réellement, sans artifice, dans un amour universel des gens, de la nature et de soi même. Peut être que c’est juste que je suis fatigué. Qui sait ...

jour 37 La cuiiiissse de zizou !

Je vous avais parlé il y a deux ans du HAAAAaaaaannnn au réveil, qui indique qu’un henro n’est pas prêt. En catalan c’est pareil, mais avec un R roulé à la fin. Alors j’ai pris mon petit déjeuner dehors, dans une brume épaisse. Il ne faisait pas trop froid, mais l’humidité était là.
Alors je n’ai pas trainé, j’ai tassé mes affaires comme j’ai pu sans réveiller ma camarade, et je suis descendu de cette montagne. Je m’étais planté la première fois, alors j’étais décidé à ne pas reproduire cette erreur. Et je commence à croire que le chemin vers le bangai 16 n’existe tout simplement pas. Je suis sur le chemin principal, qui s’éloigne à vue d’oeil de mon objectif. En bas du sentier, je suis à un carrefour. 3 choix s’offrent à moi.
Un chat arrive en miaulant de la gauche. Il se laisse caresser pendant un moment. Je me dis que ce doit être le bon chemin. Pas manqué, 4 km plus loin, quelqu’un me dit que c’est bien le bon chemin. Quelqu'un m'a dit sérieusement que ce chat était Kukai. Je le trouve très doux Kukai ^^
J’indique au temple 16 que le chemin n’est pas top top, et on me répond qu’il faut prendre le téléphérique. J’aime encore mieux faire 8 km de plus ^^


Un problème survient un peu plus loin. Ma jambe droite refuse de descendre… Une chance qu’elle se décide une fois les 800 m de pente terminés ! Un point douloureux sur la cuisse. Rien de bien inquiétant, vu sa position, c’est sûrement une mauvaise position en dormant. Mais me voilà obligé de descendre les escaliers un par un, comme un papi ! Heureusement, la journée est plutôt plate. Un restaurant Udon me fournit une étape providentielle, puisque je rentre à 12h12. Et j’ai toujours faim à 12h12 ! Je prends le spécial maxi plus avec tempura, pour 4 euros (tu m’étonnes que Mac do cartonne pas sur Shikoku)
Et un papi m’offre une partie de l’addition en échange d’un talisman écrit par un français (on dirait qu’il fait la collection). Une chose sympathique, en rentrant, les clients entendent un BIENVENUE des 5 dames qui travaillent ici, franc et massif. Et quand on part, tout le monde à droit à un MERCI ! hurlé de toutes parts. En ce qui me concerne, j’ai offert un talisman au restaurant aussi, et une des cuisinière ma offert un déjeuner pour demain, une autre à prit mes déchet, une autre m’a offert des mandarines ^^ J’étais donc heureux, vous vous en doutez bien !
J’ai retrouvé Gemma la catalane pelotonnée contre un arbre sacré dans les temples 68 69 (ils sont collés) Une scène tout droit sortie des studios de Miyazaki. Je ne sais pas comment les japonais le prennaient, parce qu’elle a quatre avantages très puissants, fille yeux bleus en habits de karateka et qui parle japonais ! De quoi se faire pardonner beaucoup de maladresses. On marche ensemble jusqu’au temple 70, dans lequel on a rendez vous avec un monsieur qui ouvre sa maison aux pèlerins. Les discussions sont toujours animées, et son rire est très communicatif. La moitié de Shikoku doit l’entendre ^^


Le monsieur était en avance et il nous attendait. Il a prié avec nous, puis il nous a emmené en voiture pour voir un très beau coucher de soleil, il y a 5 minutes. Le soleil s’était déjà couché quand on y est arrivé. Mais l’intention est louable. On a ensuite visité nos chambres, maisons séparées pour les mecs et les filles, apprécié une bonne douche et un repas chaud, avec des discussions légères traduites par Gemma et un cours sur les significations des noms des villes. Vous saviez vous que Matsu ça voulait dire pin ? Et que Kagawa voulait dire rivière qui sent bon ? Et qu’Ehime c’était belle princesse ? J’ai traversé Ehime à pied j’y ai vu aucune belle princesse… Foutaises !





Jour 38 Chute ! Chute dans le peloton. Ah, se sont des images que l'on aime pas voir, mais malheureusement, ça fait partie du henro !

J’avais fait la marche le soir la dernière fois, décidé à dormir pas loin du temple 71. Cette fois ci, je partage cette marche entre le 70 et le 71 avec Gemma, le matin. On peut pas dire que ce soit la même ambiance. Mais cette traversée de ville n’a pas de grand intérêt. Sinon nos conversations. Quand on a terminé un sujet, Gemma chante à tue tête des chansons variées, en se moquant pas mal du regard médusé des passants. Elle a déjà entendu 2 fois je t’aime en 40 jours par des japonais subjugués. Alors des gens qui se retournent, c’est banal ! Elle me quitte cependant pour faire une pause. Chose que je ne peux pas me permettre puisque je dois monter une montagne et faire 12 km de plus qu’elle dans la journée. J’attaque donc le temple 71 tout seul, avec les 560 marches qui le composent ^^ On n’est plus à ça près. Le temple est dans une petite grotte, l’office des calligraphies pas loin. Je demande si le chemin de montagne est praticable malgré la pluie, parce que la dernière fois c’était pas top … Il me répond bien : bien sûr ! Et il me donne une petite carte pour pas me perdre.


Oui mais voilà, en ressortant, la pluie tombe très fort. La plus grosse averse jusqu’à maintenant. Et elle dure. Elle durera jusqu’à 17h15 en fait, la fin de la journée… Et ce chemin non seulement n’avait pas connu de travaux depuis mon dernier passage, mais en plus, il s’était détérioré ! Des marches emportées, créant des sauts d’un mètre sur de l’argile mouillée couverte de feuille, des parties de chemins effondrées, laissant un petit passage de 30 cm pour passer, des rivières qui sont passées par endroit, pour laisser place à une rigole impraticable… J’ai glissé plus d’une fois, je me suis retendu la cuisse, … Pour la première fois, j’étais actuellement énervé contre le chemin. Non pas que j’éxige qu’ils soient tous impeccables, mais au moins que l’on interdise ceux qui ne sont plus praticables… Passablement tendu donc, j’ai prié au temple de la famille Daishi, tout particulièrement celui où sa maman a prié des années durant pour le bien être de son fils et je suis retourné sur les routes cette fois ci. Et je me suis tout de suite détendu quand un camion n’a pas ralentis en me voyant et qu’il ma éclaboussé jusqu’aux hanches … VIVEMENT LA NUIT !  


Je déboite donc les temples qui s’offrent à moi, pour abréger les souffrances, et en forcant l’allure, je retrouve fatalement Gemma, que j’appelle au loin avec la chanson d’El Mariachi par Antonio Banderas. On marche ensemble et ça va un peu mieux. Ça ira même bien quand on rentrera dans une boulangerie, et qu’en discutant un peu avec la femme du boulanger, elle m’offre une BAGUETTE !!! Une vraie ! Croustillante et tout ! Bon pas pour longtemps, puisque 1. il fait trop humide au Japon et 2. on l’a mangé tout de suite ^^


Gemma retournera au Zenkonyado du monsieur qui viendra la chercher plus tard, et je me dirige vers un autre Zenkonyado Unisex. Et l’ambiance n’est pas franchement réjouissante. Déjà, c’est une maison, dans laquelle je suis tout seul. Tout est vieux, mais vraiment vieux. Les portraits militaires sur les murs indiquent que la dernière personne qui a habité ici avait connu les guerres mondiales pour vous dire … Tout était là, la théière, le canapé, la chaise à bascule, manquait juste les gens ! Enfin je crois… Parce que je vous l’annonce tout sec, il ne faut pas croire aux fantomes quand vous dormez dans cet endroit ! J’ai appelé une dame avec un téléphone à cadran. Une dame très intelligente, traductrice et professeur d’anglais à la retraite, mais qui répète 3 fois que le chauffe eau solaire n’a pas marché puisqu’il a plu aujourd’hui, que la photo de Kobo Daishi dans un livre sur la bibliothèque est vraisemblablement la plus fidèle puisque la sculpture est la plus vieille, presque contemporaine à Kukai. J’apprendrais plus tard qu’elle est atteinte d’Alzheimer… Personne n’est à l’abri dirons nous, même les plus fervents…


Je me barricade contre les esprits dans une pièce et je dors plutôt bien. Ce devait être des spectres sympas, qui ont une pitié de ma rude journée.

3 commentaires:

  1. Salut à toi des "tout tout vieux" de La Crau ,jeune Furansua san!
    Etrange... pas retrouvé précédent commentaire laissé ?
    Pas grave ! Bis repetita !
    Il semblerait que tu accomplisses ce deuxième tour avec plus de facilité que le premier... est-ce l' expérience, ou est-ce tout simplement que tu as atteint les sommets de sagesse et de lucidité qui te permettent de dominer toutes les difficultés qu' un diabolique sort peut s' ingénier à jeter sur son chemin ?
    Plus sérieusement nous constatons que :
    - tes photos sont de + en + superbes ;
    - tes commentaires sont toujours aussi agréables à
    lire et souvent nous amusent ( humour toujours ! );
    - apparemment ta "solitude retrouvée" est bénéfique
    à ton cheminement physique et psychique !
    Oserais-je te dire à quel point ton projet d'aventure en solo devenant en double voire en triple m'avait surpris , voire inquiété ?!
    A ce sujet : elle a l' air sympa cette Gemma ... mmmm?
    Je conclurai ce message par ces mots de Sénèque dont il semblerait que tu aies suivi et appliqué le précepte:
    "Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie".
    Amicalement , Josée et Robert

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  2. Ca y est je suis à jour ! Je toujours autant émerveillé de tes textes et de ton histoire ! Bon courage et bon continuation pour la suite!

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  3. Hello,
    Décidément impossible de prévoir le déroulement d’une journée sur cette belle île! Mais à choisir entre pluie et belle catalane, je choisirais la compagnie d’une belle catalane beaucoup plus sympa même si il pleut.
    Content de voir que tu es bien entouré ^^. Ici le froid et la neige sont arrivés, les paysages se part de leurs beaux habits blanc! Le froid est sec mais ça fait du bien de voir l’hiver, on avait trop chaud.
    Aujourd’hui on va visiter deux maisons dont une que l’on ne prendra pas de sûr car un peu loin du travail d’Alex. Mais si je lui dit que l’on peux mettre un jacuzzi ça peux peut-être le faire.
    On pense à toi et on t’envoi un maximum de force! Gros bisous à bientôt

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