vendredi 7 décembre 2018

jour 33 34 35, dur retour à la réalité

Jour 33 Difficile



J’ai quitté ce moment de bonheur. C’était le moment des adieux. Un câlin au Jushoku qui n’avait jamais connu cela de sa vie, et des échanges de cadeaux. Le premier et seul selfie de Nichida San alors qu’elle essayait de prendre une photo avec un smartphone, … Envie de rire, de pleurer, de crier, … Mais si je voulais finir henro, il fallait que je parte. La promesse de mon retour prochain, pour une période plus longue, aura le mérite de m'apaiser. Mais pas pour longtemps.



Je reprends le chemin, mais avec le cerveau qui chauffe. Comment, pourquoi ? Un tel moment était il une vraie chance, un heureux hasard ? Est ce que je dois en tenir compte pour ma vie ? Pourquoi cela résonne t’il autant ? Quelles en seront les conséquences ? Impossible de me concentrer sur le chemin. Pourtant il y a de la route aujourd’hui. Mais je ne sais pas. Peut être que le point culminant de ce voyage est là, et qu’il faut terminer tout de même. On était d’accord avec Zachai San, que la dernière préfecture est sûrement la moins sympathique. Mais c’est aussi la plus rapide. Alors autant avancer avec ce nouvel état d’esprit, et voir ce qu’il en ressortira.



Déjà, une chose qui me sort de mes pensées, le matin, alors que la rosée est si forte que ma barbichette goutte littéralement, les gens ont laissé le linge étendu dehors… Je ne comprendrais jamais pourquoi, mais ils ont une bonne raison certainement. C’est peut être la senteur “rosée du matin” manuelle.
On retourne brièvement dans la ville pour le temple 59, puis on se lance à l’assaut des montagnes.  J’ai appris de mes erreurs, et je sais maintenant que le temple supplémentaire 10 est un peu éloigné de la route. Et je m’attends à y trouver beaucoup de monde. Pas manqué, la petite route qui y mène est remplie de belles voitures qui montent et qui descendent. Je trouve un petit sanctuaire shinto pour déposer mon sac et manger, puis je pars moi aussi en direction de ce temple renommé. Les bangais, d’ordinaire si paisibles, ne sont pas tous égaux. Celui ci est connu pour ses couleurs d’automne somptueuse. Je ne m’attarde pas trop au milieu des touristes, fait discrétement mes prières au milieu des cris, et je reçois un ossetai d’une façon assez nouvelle. La calligraphe est sortie de son office pourtant bondé pour me prendre en photo devant les érables. Attention très touchante !



Je repars ensuite pour le temple 11, qui détonne avec celui que je viens de quitter. Coincé entre un garage et une entreprise de menuiserie, ce temple présente un magnolia mort… Autant vous dire que la foule ne m’a pas géné ! Mais au moins on est tranquille.
Je file enfin vers ma demeure de ce soir. Un onsen grand luxe, seul hébergement du coin, tranche nettement avec la simplicité de mon chez moi là haut. Bien sur le personnel est au top, la nourriture délicieuse, le onsen avec jet incroyable… Mais il manque quelque chose. Quelqu’un a dit “authenticité”?




Jour 34 Je l’aurais un jour !



J’étais fin prêt. Pour la montagne. La vraie. Le temple 60 est un de ces temples qui font frémir les henros, par son altitude, et sa dernière montée avant de l’atteindre. On commence gentillement la journée au milieu des kakis, sur une petite route qui monte tranquillement. C’était mon dernier jour de soleil avant un moment me dit la météo, alors j’en profite un max ! La petite rivière m’accompagne dans ma quête de sérénité. Une montagne saura calmer mon esprit. Et si elle n’y arrive pas, la dernière partie du chemin saura certainement calmer mes jambes !!! 2km en 1 heure, une pente si raide que les panneaux sont tous les 50 m au démarrage, pour vous encourager. Plus que 2050m, peut on lire après la première volée de marches !




Mais je connaissais bien ce chemin, je m’y étais préparé. Je ne m’étais pas préparé à voir les ravages causés par ce petit ruisselet tout énervé par les typhons qui à emporter une partie du chemin par contre. Mais les volontaires auront fait un beau boulot pour créer une nouvelle piste. Nous voilà dans ce temple, en compagnie de quelques randonneurs, car on est dimanche. Je retrouve ce monsieur des calligraphies qui avait travaillé aux Deux-Alpes, mais il ne se souvenait pas de moi. Je lui ai rappelé brièvement le sujet de notre discussion, à propos de mon ascension d’Ichizushi San, une des plus hautes montagnes du Japon, et il m’en avait dissuadé. Je ne pourrais pas non plus cette année, mais je suis sûr qu’un jour, je l’aurais !





En attendant, je suis allé au spot photo, un peu plus haut. Le poster vendait du rêve, un tori majestueux, le sommet juste derrière, … En vérité, le tori (portail shinto) ne dépasse pas le mètre de hauteur !!! Et les japonais étaient aussi surpris que moi ^^ Alors je me suis dit que j’allais tenter de prendre de la hauteur, afin de voir un peu à quoi celà peut bien ressembler de là haut. Une petite troupe s’est approchée de moi, curieuse comme tout. Et c’était fun jusqu’à qu’un mec touche l’ecran et me vire les indications, dont celle pour atterir, alors que le petit Air Filou (c’est le nom du drone) bippait car il n’avait plus de batterie !!! J’ai pu trouver la manip et le faire revenir à bon port. Les photos sont truquées car en contre jour on ne voit pas grand chose, mais je suis satisfait du résultat !







La redescente est assez brutale car je sais que j’ai une bonne journée de marche dans un endroit pas buccolique du tout, mais il faut bien y aller ! Le temple 61 est plein de familles, car c’est le temple des enfants, surtout des naissances. Le temple 62 est un renégat, et il s’est fait viré des 88 !
Le temple 63 lui, m’a offert une jolie scène de vie de famille, avec le papi qui apprenait à son petit fils à faire des échasses en bambous, la maman qui jouait avec le chien et le père qui m’a fait ma calligraphie.


Le temple 64 était mon objectif pour la journée, mais malheureusement, il ne faisait plus tsuyado ! Et il n’y avait rien aux alentours… Alors j’ai marché. Je savais que les huttes du coin n’étaient pas top top. Je me suis rendu au temple supplémentaire 12 … trop tard. J’avais insister, la machine ne pouvait plus forcer après les efforts de la matinée. Je suis arrivé trop tard pour ma calligraphie. J’avais appelé une dame qui tenait un Ryokan un peu plus loin. Mais je n’étais pas certain que l’on se soit compris. Le problème avec les vieux jap, c’est qu’ils n’articulent pas, qu’ils parlent vite et que quand on ne comprend pas, ils répètent la même chose mais plus vite et plus fort … Je suis arrivé de nuit, et elle m’attendait. La tenancière était agée de 81 ans, et elle tenait cet hébergement de 3 chambres toute seule, repas compris. Du courage, il en faut, car elle n’arrive pas à monter les escaliers pour accéder aux chambres sans mettre les mains sur les marches. Mais elle est ravie de me montrer que quelqu’un de Chambery est passé il n’y a pas si longtemps, et de me montrer tous les petits points qu’elle a colorié sur sa carte du monde ! Elle en a reçu du monde ! Je me rends dans un lawson pour y trouver internet et réserver mon hébergement de demain, en prenant mon repas du soir et en regardant la météo. J’aurais bien sûr oublié la météo alors que j’ai des montagnes sur le chemin … Que voulez vous, même 2800 km ne peuvent rien contre ma tête en l’air !





Jour 35 Singeries



Je démarre en train, pour aller faire ma calligraphie au temple que j’ai raté. Pas la meilleure heure, puisque les wagons sont blindés de collégiens et de lycéens, pas en colère du tout. Je suis pourtant à l’heure, mais il n’y a personne. Le temple principal n’est même pas ouvert… En voici qui auraient besoin d’un volontaire, mais il n’a plus le temps ! Je sonne, un vieux monsieur arrive et s'aquitte de ses tâches (en retard, pour un japonais … Tout fout le camp) , et je repars pour la gare.
La pluie, très chère pluie qui ne m’avait pas quitté lors de mon premier tour, pointe enfin le bout de son nez. Et elle ne me quittera pas avant un moment ! Mais les averses sont courtes et pas très puissantes, donc tout va bien. Moi par contre, je n’imaginais pas le temple 65 si haut et si loin ! J’en bave un peu, mais j’y arrive tout de même. Puis je trouve le petit chemin qui mène au temple supplémentaire 13, de l’autre côté de la montagne. Et pour vous mettre dans l’ambiance, ils vous mettent des marches à hauteur de tibia !



Cette montagne est assez stressante. Pas un bruit, le brouillard dense, les quelques gouttes qui finissent de tomber des feuilles. Mais rien qui puisse attiser mon imagination et y créer des monstres sortis de manga ! Rien qu’un instant de paix après le tumulte de la ville. Il y a bien quelques endroits où la question n’est pas de savoir si je vais glisser, mais quand vais je glisser ! Feuilles mouillées sur lit de pierres lisses, le tout en pente raide ! Bon appétit monsieur.
Une heureuse surprise m’attend lors de la descente. Une troupe de singes jouait devant un petit temple shinto, dans la forêt. Un instant magique que mon portable ne saura pas vous retransmettre, mais qu’importe. Imaginez moi sur des marches en pierre, en hauteur, couvertes de feuilles jaunes dorées de ginkos, en train de sourire devant le spectacle d’une quinzaine de singes qui se courent après, qui grimpent sur les lanternes et sautes sur les poteaux sacrés… Un moment hors du temps, comme souvent.



Après avoir dérangé les singes, je trouve enfin le temple 13, caché, mais somptueux. Construit en bord de falaise, au dessus d’une cascade, c’est à l’intérieur que tout se passe. Le temple de daishi est dans une petite cavitée, et on prit pieds nus, dans une petite pièce. Si tous les temples pouvaient être ainsi pour les marcheurs. Un vrai moment de paix et de spiritualité.


Je me dirige ensuite vers ma chambre pour ce soir. La pluie a cessé, mais un épais brouillard couvre maintenant la montagne, et je dois marcher en bord de route, sans trottoire.

Mais je trouve tout de même cette petite maison pour les pèlerins. Le propriétaire me dit que je suis sûrement le premier occidental à venir une seconde fois. Et il me dit de finir les cup ramens et le poulet congelé dans le frigo. Je pense que ce n’est pas tant par gentillesse que par envie de vider les placards en fin de saison, mais qu’importe, je ne me fais pas prier ! Et avec le ventre bien remplit, je m’endors comme un ange, avant la journée de folie que je me suis préparé demain !

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