jeudi 27 octobre 2016

Jour 9, la côte, on voit la côte !


Elle est pas d’azur celle là, mais elle doit pas être loin. La cérémonie religieuse du temple 23 avait lieu le matin. 5h30 du mat’ donc, me voilà tout préparé pour mon deuxième office religieux. Une belle surprise encore puisqu’il y a là 15 moniales qui sont déjà en prières, plus 2 moines du temple qui dirigent les opérations, plus le moine principal qui fait un barbeuc dans le fond. Non, sans rire, je l'observais un peu pendant le sermon en japonais, il fait brûler du bois, de l’encens et des papiers dans le temple. Et après on s’étonne que la moitié ont été reconstruit après … un incendie ! Ben oui mais le vieux il fait brûler des trucs là bas.
Bon, revenons en à nos prières. Je n’ai pas eu le droit à l’ostutome, l’office important, mais juste à la prière du matin. C’était chouette quand même. Les moines avec le son guttural propre à l’Asie, les moniales avec tout le cœur qu’elles avaient, ça donnait des sutras convaincants. Surtout quand, pour le sutra du cœur, celui que je récite devant les temples, un moine s’est mis au taïko (tambour japonnais) et l’autre aux cymbales. Ça vous donnait envie de soulever des montagnes. le soleil se lève à l’horizon, le ciel flamboie, et nous redescendons vers le logement pour le petit déjeuner dans ce décor magique. Quelques fidèles profitent du calme pour faire leurs dévotions avant que les touristes n’arrivent. Je n’avais pas l’appareil photo. Je n’étais donc pas un touriste. On se salue discrètement.

J’avais l’intention de m’éloigner de la grande route pour apprécier le paysage côtier de Shikoku, avant de l’affronter pendant pas loin de 20 temples je crois. Le premier panneau croisé vous met dans l’ambiance, le prochain temple, c’est pas tout de suite tout de suite !
Surtout quand on prend les chemins détournés. Je quitte la route nationale pour emprunter la petite route en bord de falaise, bucolique comme tout.
Il fallait rester sur mes gardes, car j’ai croisé deux trois bêtes flippantes. Serpents, mantes religieuses qui vous attaquent quand vous êtes trop proche de la branche sur laquelle elles sont posées, et une bête non identifiée. Après recherche, il s'appelle le saro du Japon. Très rare, menacé d'extinction. Mais que voulez vous, mon animal totem doit être un frère cartusien à lui.

Le retour à la route principale est méchant, des tunnels et des voitures, des camions, qui passent à 100 à l’heure à côté de vous. Je ne regrette pas mon mp3.
Heureusement, j’avais réussi à réserver dans un petit temple, le bangai 4, et je savais que je n’allais pas être déçu. On quitte la route, on s’engage sur un petit sentier. Après cette pause de nature, on rentre dans le temple.
Personne ne parle anglais, aucun étranger ne s’arrête jamais ici. Mais j’arrive à me faire comprendre. Et l’accueil est royal. On me présente ma chambre, avec la déférence japonaise qui vous fait passer pour un roi, et on vous apporte aussitôt votre sac par terre … un thé ! Thé de riz je crois bien, ce qui se rapproche assez bien des smacks, mais liquide et sans sucre. Un litre est passé. Le thé accompagné par un petit gâteau, fourré aux haricots sucrés. Je crois que j’ai tombé une larme en le mangeant. Je crois en entendre couler de votre côté.

Je vais voir ce que ce joli petit temple perdu dans les montagnes me réserve. Je me balade un petit peu pour observer les bâtiments et ses environs, puis je décide de prendre mon bain. Chic, le onsen est petit, mais je l’ai pour moi tout seul ! Je comprends assez vite pourquoi, il est au moins à 60 degrés. Sans déconner, je suis rentré dedans jusqu’au torse, petit à petit, et j’étais rouge comme une pivoine. Mais pas le temps de lambiner, on m’a annoncé que le repas est à 17h. Oui je sais, c’est tôt, mais c’est tellement bon! J’ai le plaisir de croiser tous mes copains, ou presque. Je trouve à table le couple que j’ai vu la veille au Shukubo 23 et des personnes qui allaient au bekkaku (bangai en fait, c’est bekkaku en japonais, allez comprendre) bekkaku 3 donc. Ils m’ont rattrapé en train, mais ils sont là, et je suis très heureux de tous les voir. J’ai gagné deux hérons en origami.
A 6 heures, j’ai la cérémonie goma. Je sais pas ce que c’est, alors on va y aller ensemble, ça fera moins peur. Vous venez?!
On quitte nos sandales ici. Nous ne sommes pas les premiers, ni les derniers manifestement, ce qui nous place dans une excellente position. On peut observer les premiers pour savoir comment se comporter et prendre notre temps, parce que les derniers prient toujours plus que nous. On avance sur un tapis rouge, sur les bords du temple principal. Ce temple ci est entièrement dédié à Kobo Daishi. On avance encore et oh ! Regardez ! Ce couloir était fermé quand je suis arrivé. On passe. Faites comme moi. Montez sur cette pierre pour prier, c’est pour évaluer vos chakras les petites marques en lotus, dessus. Je pense qu’après 7 heures de marches, je dois en avoir ras les chakras des pieds. On se présente ensuite à toutes les divinités principales du lieu, et il y en a un paquet. La, les grands, ce sont les butsu, mais il y a des bosatsu aussi. On passe ensuite dans un tunnel, près de 100 mètres, qui descend en pente douce. D’un côté, des centaines de petites statuettes dorées représentant un espèce de démon entouré de flammes. Il n’a pas l’air comme ça, mais il est dans le camp des gentils, sinon, il ne serait pas là. Les flammes semblent indiquer que l’on va purifier quelque chose, mais quoi. De l’autre côté, des dizaines de statues en pierre, du panthéon Shingon, Myoo, Ten, Keshin et Soshi sont à l’honneur. On entre alors dans une pièce. C’est assez sombre, il faut bien l’avouer. On nous passe de l’encens et une bougie à brûler (je vous avais dit qu’ils étaient sympas) Et on va s’asseoir sur le côté. La pièce : au centre, le lieu du rituel. Un cercle, avec en son centre une pile de bois, à un peu moins de deux mètres du bûcher, le grand prêtre. Il est entouré de tout ce dont il aura besoin. C’est l’un des grands prêtres, un archevêque on pourrait dire. Il a reçu les traditions oralement de son maître, et il les passera à son tour ensuite. Au dessus de lui, au centre de ce dôme de 15 mètres de diamètre qu’est cette pièce, un énorme “bol” de métal, suspendu au plafond. La pièce est noire, et sombre. Quelques bougies sont éclairées ça et là, mais je ne peux pas lire mon sutra du coeur. J’espère que l’on en aura pas besoin. Ca commence.

Le prêtre commence à chanter, bientôt accompagné par un acolyte, dans le fond de la pièce. Une flammèche est déposée entre les bûchettes de bois, et aussitôt le feu crépite. On voit apparaître, disposés tout autour de la salle, des dizaines de statues dorées, toutes à l’image de Fudo Myoo, le flamboyant de tout à l’heure. Le prêtre jette des feuilles dans les flammes, et une épaisse fumée se dégage. Une bonne partie est captée par le grand “bol” du plafond, mais une autre passe à côté, et envahit l’endroit. Le taïko résonne alors que les religieux chantent de plus en plus fort, et de plus en plus vite. Ponctués de sons de bols tibétains, cette mélodie vous imprègne aussi sûrement que la fumée autour de vous. Il n’y a bientôt plus de genoux qui pleurent, plus de monde fou à l’extérieur, plus de monde fou dans votre tête. Il n’a plus que cette flamme, de plus d’un mètre maintenant, qui grandit, encore et toujours. On lui offre des bûchettes réparties en six fagots, pour représenter nos six sens pour percevoir le monde l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût, la vue et la conscience. Puis on brûle les trois liens qui sont les poisons de la passion (l’attraction, la répulsion et l’erreur). En plus de cela, on fait des offrandes d’encens, de fleurs, de condiments ou d’huile pour remercier Fudo Myoo pour son aide. Il est en effet en train de nous purifier de nos désirs, la racine de notre mal.
Le feu s'apaise. Nous aussi. Le Taïko se tait un peu, le moine chante à présent tout seul. On revient peu à peu au réel. Quelle expérience on vient de vivre. La fumée se dissipe un peu, des lumières s’éclairent. On est invité à prier Fudo San pour son aide, et à remonter vers la surface. On rejoint notre chambre, hagards, mais confiants. On ne saisit pas encore la portée de ce moment. Surement que l’on trouvera l’écho de ce taïko alors que les démons reviendront. Certainement, le sourire de ce vieux prêtre nous reviendra dans nos instants de doutes. Nous n’avons pas eu de réponse. Mais au moins avons nous des protecteurs sur le chemin qui mène à ses réponses.
Que cette flamme brûle quelques uns de vos soucis.


Furansua

3 commentaires:

  1. coucou mon amis,
    je te suis depuis le début ne te fait pas de soucis je n'ai seulement pas le temps de t'écrire mais je lis tout tes articles des la parution. ton voyage est fantastique ainsi que ta narration un régal pour les yeux! je suis heureux que tout ce passe bien pour toi, pour les genoux on parle seulement de l'articulation des genoux je te passe les thermes scientifiques aucun intérêt surtout qu'il y a trois articulations sur le genou ! juste quelques gestes simple pourrai te soulager avant et après ta journée de marche, faire quelques étirements et assouplissements t'aideront dans ton voyage.
    continu à marcher droit devant sans regarder en arrière et en mettant un pied devant l'autre sans t'en rendre compte tu seras arrivé à destination.
    bonne marche et à bientôt

    Dorian

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  2. Déjà 2 jours sans nouveau article.... ça manque .... niveau 2031 atteint.... Tous les voisins à l'apéro ce soir... viens si tu veux !!! =)

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  3. De Josée Robert
    Je le sens, tu y es presque . . . dans la peau du moine pèlerin japonais !
    Ta description de la "cérémonie goma" est géniale, à tel point que j' ai eu l' impression que des effluves de fumées me caressaient le nez et que des esprits venaient tourner autour de moi !
    Serait-ce l' annonciation de l' émergence d' une voie céleste conduisant vers ce nirvana espéré ?
    Nos encouragements et vœux t' accompagnent pour continuer ton chemin dont nous espérons que tu nous feras encore partager le plaisir de suivre le déroulement !
    Amitiés et à +

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