mardi 6 décembre 2016

jour 45

jour 45

Le jour avait commencé sur de très bonnes bases pourtant. 6h, une cloche résonne dans la cour. J’étais déjà prêt physiquement, je savais ce qui m’attendait. Le couple de français est là, lui aussi. Le jeune moine arrive, mais cette fois,non plus en habit civil mais en habit religieux. Il doit être assez élevé dans l’ordre, au vu de l’accoutrement, mais il n’a pas encore le droit de tout faire. Il passe le premier et rentre dans la salle de méditation. Je dois le suivre exactement, sans rien rater. On entre du pied gauche, le pouce de la main gauche à l’intérieur de la main fermée en poing, la main droite recouvrant le tout, les avant bras formant une ligne parallèle au sol. (essayez, vous verrez que l’on a tous vu ça dans un film). C’est Shashu.
On s’incline devant la statue avec une autre position, Gassho, mains jointes, au niveau du nez à dix centimètres de ce dernier (précis). Puis on marche en Shashu en partant du pied droit, et on ne passe pas devant la statue, mais derrière. On arrive à son siège, on s’incline en Gassho devant, on se retourne et on s’incline à nouveau (pour dire salut les copains devant et derrière). Puis on s'assoit sur le petit coussin, on se retourne en se servant de la main droite uniquement, et on se met en position. Autant vous dire, j’ai pris une petite couverture pour mettre sur mes genoux, pas tant pour le froid que pour cacher la misère. Impossible de faire quoique ce soit de potable avec mes jambes. Un bon vieux tailleur, bien païen. Les mains en Cosmic Mudra (main droite palme en haut, main gauche dessus, les pouces qui se touchent), le dos bien droit, les yeux mi-clos, le regard à 45 degrés (fan de Kaamelott, à vous) qui se pose à un mètre de soi. Et en avant, au son de la cloche, 30 minutes de … rien. C’est très étrange, mis à part le fait que le corps hurle devant tant de torture (les muscles se plaignent quand ils bougent, et quand ils ne bougent pas, jamais contents), c’est l’esprit qui étonne. Tout d’abord, il se focalise sur des tas de choses, les bruits, les odeurs, l’expérience, puis il se fatigue. Progressivement, les pensées s’espacent, s'essoufflent, puis disparaissent, enfin. Le calme parfait. Le temps passe prodigieusement vite.
Et puis. Le corps s’en mêle. Les petites gênes du début sont des douleurs véritables. Je sens exactement ce qui ne va pas. Une vertèbre de déplacée, au moins une, qui me tend tout le dos depuis le bas de l’omoplate jusqu’à l’épaule. Mes hanches pas à la même hauteur, mes chevilles que j’ai trop tordues dans ma vie. Un diagnostic établi en peu de temps finalement. Une cloche nous sort de notre méditation/torture. Nous étions 6 quand nous avions commencés, nous ne sommes plus que 5, et le jeune moine avait changé de place avec un acolyte sans que l’on ne s’en aperçoive ! Des ninjas zen. La sortie est toute pleine de gestes à refaire, puis on se dirige vers le grand bâtiment. Les français, et moi, nous pensions que c’était terminé.
Et non ! On monte à l’étage pour trouver le temple et faire nos prières. La gymnastique est intéressante aussi, on se prosterne on remonte, et ainsi de suite. Le sutra du cœur est beaucoup plus long que dans le bouddhisme Shingon également. On descend au réfectoire, et là encore, il ne faut pas se relâcher. Nous avons des petits bols en mode poupée russe sur la table, avec les baguettes posées dessus. Je suis de nouveau juste à côté du moine, donc il me faut faire tout bien. Je prend sa position (AÏE!) et j’observe. On prend le petit bol et on le pose à 10 cm en haut à droite, la taille en dessous entre le petit et les autres, puis devant à droite, et enfin derrière à gauche. Une drôle d’étoile toute belle, que s’empressent de remplir les aides moines (je ne sais pas le nom des apprentis moines). Ensuite j’essaye de suivre. Il faut mettre les petites coupelles dans la grande pour faire un gruau de riz avec plein de trucs dedans. Mais on garde une rondelle jaune dans une des coupelles. Je ne peux pas suivre leur cadence, ils avalent ça à un train d’enfer. On sent que le but n’est pas de prendre du plaisir. Ils nous attendent donc. Je me hâte et termine premier des gaijins.
J’ai tout bien fait jusque là, alors le moine me montre la suite. On met de l’eau chaude dans le moyen bol, on prend la rondelle comme “éponge” dans nos baguettes et on nettoie dans un ordre bien précis. Le grand bol en dernier. On se sert d’une serviette pour tout essuyer. Le dernier ustensile à nettoyer, et pas des moindres, c’est les baguettes. Et là, c’est minimum 8ème dan de baguettes pour arriver à le faire. L’une nettoie l’autre avec la rondelle jaune, ça glisse forcément. Mais je m’en sors finalement et je range mes affaires. On replace la serviette qu’il faut plier comme le monsieur il fait, on place les couverts par dessus et on remercie tout le monde avec une petite prière ! C’est stressant comme tout un petit déjeuner zen.

La journée ne m’apportera que peu d’autres émotions. Je quitte les français, qui font en deux jours ce que je fais en 4 à cause des bangais. Je ne me sentais pas de faire un grand jour pour traverser la ville de Takamatsu, et la suite me prouvera que ce pressentiment était bon. Je me retrouve avec un bon mal de crâne à la mi-journée. J’avance pas vite, et au final ma petite journée se termine à 15h30 dans un guesthouse superbe. On se croit à la maison dès l’entrée. Un jeune tient ça, tout est blanc et en bois, on a un café dans les mains avant de s'asseoir, le ton est cordial, tout est parfait. Il parle même pas mal français, car il a un autre guest house au Sénégal depuis deux ans (plus 3 en Chine, 1 à Singapour et 1 à Taiwan !). Il me demande depuis combien de temps j’étudie le japonais à l’école. Je lui réponds que je ne l’ai jamais fait. Il apparaît étonné. Il est vrai que je comprends pas mal de choses maintenant, même si je ne peux pas répondre en japonais. Je ne répond plus oui quand on me demande mon âge, c’est déjà ça.



Je file au lit assez tôt, le temps de dialoguer avec les personnes présentes sur la toile et m’endors sans trop prêter attention aux mouvements de mon dortoir. J’aurais peut être dû

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